Loin des yeux, loin du cœur
L’astronomie fascine parce qu’elle donne à observer des gouffres. Des abîmes d’espace et de temps qui ne se révèlent qu’en observant attentivement les images des mondes lointains. Ainsi, cette photographie réalisée par le télescope spatial Hubble d’une galaxie baptisée NGC 5495 dans la constellation de l’Hydre, la plus vaste et la plus longue des 88 constellations du ciel, a toutes les raisons d’attirer l’attention… Pour mémoire, une galaxie est un vaste ensemble de centaines de milliards d’étoiles, de gaz et de poussières – et sans doute plus – s’étendant sur une centaine de millions d’années-lumière de diamètre. Elle est à l’Univers, selon les mots d’Hubert Reeves, ce qu’une ruche est aux abeilles. Un ensemble organisé, cohérent, dans lequel naissent, vivent et meurent les astres de toutes espèces. Cette galaxie – donc NGC 5495 – est distante du Système solaire d’environ trois cents millions d’années-lumière. 150 fois plus loin que la galaxie d’Andromède, la « ruche » la plus proche de notre Voie lactée. Et elle a une particularité, située en son cœur : elle héberge en son sein un trou noir supermassif. Un monstre dont l’activité domine la vie de cet ensemble ; à savoir qu’il attire dans son environnement la matière, les étoiles, le gaz, la poussière, qui, en tombant vers son centre à des vitesses stupéfiantes, s’illuminent et éclairent de leurs feux l’ensemble du noyau galactique. On parle alors de « galaxie active » qui témoigne de façon indirecte mais violente de l’influence du monstre dissimulé en son sein. La masse d’un trou noir supermassif est d’au moins un million de fois celle du Soleil ; les plus gros peuvent même atteindre 40 milliards de masse solaire ! Mais dans cette image, le plus fascinant est sans doute la présence de deux « croix » lumineuses, deux étoiles appartenant à notre propre galaxie. La première est toute proche du centre du noyau galactique – un peu au-dessus, à gauche – et la seconde, dont les rayons lumineux sont diffractés par la structure interne du télescope, brille comme un phare dans la nuit, à l’avant-poste des espaces infinis. Deux repères proches, comme deux petites lucioles posées sur le pare-brise derrière lequel nous nous abritons pour surprendre ces paysages cosmiques. Des cœurs lumineux aux noirs infinis.
Alain Cirou
Photo Credits: ESA/Hubble & NASA, J. Greene
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