L'image de la semaine : les prairies de l'océan

 

Phytoplancton

Une île dans la mer et de curieuses prairies teintées de vert tourbillonnant autour. Voici une vue réalisée depuis l’espace, par le satellite américain Landsat 7, de Gotland, une île suédoise de la mer Baltique. Située entre la Lettonie et la Suède dont elle est la plus grande île, Gotland est un vaste plateau calcaire, sans montagne, dont les parties nord et sud sont dominées par des paysages arides, des landes sèches, tandis que le centre de l’île est extrêmement fertile.

Le climat y est doux et c’est une destination appréciée des vacanciers suédois pour ses paysages et son fameux festival médiéval dont la ville de Visby, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, est le point focal. Mais ce sont les couleurs de la mer qui, sur cette photo, attirent notre attention. En particulier de curieuses zones vertes dont on devine qu’elles effleurent la surface bleue des vagues et tourbillonnent au grès de la houle et des courants. Reste que ce vert est vivant. Il s’agit de phytoplancton, constitué d’algues microscopiques, qui à l’instar des végétaux sur la terre ferme, réalisent la photosynthèse, produisent l’oxygène que nous respirons, absorbe le carbone que nous émettons, nourrit les poissons et joue un rôle crucial dans les écosystèmes marins.

Lorsque le phytoplancton se multiplie, comme sur cette image, on parle « d’efflorescence », un phénomène qui peut être visible depuis l’espace sous la forme de nappes vertes, de « prairies » organiques à la surface de l’océan. "Sans le phytoplancton, nous ne pourrions peut-être pas respirer ou manger des sushis ", explique Aimee Neeley, océanographe à la NASA, laquelle a décidé de lancer un satellite dédié à leur observation en 2024. En effet, ces organismes aquatiques extraordinaires représentent moins de 1 % de la biomasse totale de la Terre capable de photosynthèse, mais assurent environ 45 % de la production primaire mondiale. Sans phytoplancton, la plupart des réseaux alimentaires océaniques s'effondreraient, ce qui serait dévastateur à la fois pour la vie marine et pour les humains qui dépendent des poissons pour se nourrir.

Observer l’évolution de cette biomasse c’est aussi suivre le cycle de la fonte des glaces de mer et l’impact du réchauffement global en haute latitude. Les espèces polaires, depuis les palourdes et le krill jusqu'aux morses et aux baleines, dépendent de ces efflorescences planctoniques pour leurs sources de nourriture, et là encore, la fragilité de ces écosystèmes, transformées par l’activité humaine, se révèle chaque jour d’avantage. La beauté de cette photo ne peut nous faire oublier que, sous ces eaux bleues, à l’époque soviétique, des déchets militaires dangereux, probablement nucléaires, ont été immergés de nuit en toute illégalité. Comme la terre, la mer n’est pas infinie et sa fragilité, comme son importance pour l’avenir de la vie, se révèle chaque jour d’avantage.

Alain Cirou
Crédits : USGS/NASA/Landsat 7

 

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