VOYAGES INFINIS
“Le voyage est une espèce de porte par où l'on sort de la réalité connue pour pénétrer dans une réalité inexplorée qui semble un rêve” écrit Guy de Maupassant, dans Au soleil. Plonger son regard dans l’obscurité de la nuit, y rencontrer les planètes, les étoiles, les nébuleuses et les galaxies est un rêve éveillé offert par les Nuits des étoiles d’hiver.
Un voyage dans l’espace-temps qui débute dès le coucher du Soleil – la seule étoile qu’on ne puisse voir la nuit – par les astres les plus lumineux : la planète Jupiter ; Bételgeuse et Rigel qui désignent l’emplacement de la constellation du chasseur Orion ; Sirius du Grand chien ; Aldébaran du Taureau ; Capella du Cocher ; toutes stars du ciel d’hiver et légendes de la mythologie. Et se poursuit par la multitude des petites lumières célestes qui apparaissent au fur et à mesure que l’œil s’acclimate à l’obscurité et qu’on s’éloigne des lumières parasites des villes et villages trop éclairés.
L’espace requiert de la profondeur. Et les subtils nuages de gaz qu’on devine à l’œil nu dans le cœur d’Orion – une magie de délicatesse dans une paire de jumelles, une lunette et un télescope – ne se gagnent qu’en plongeant plus loin dans l’encre de la voûte céleste.
Bien malin qui pourrait alors estimer les distances : des millions de kilomètres pour les planètes ; des années-lumière pour les étoiles. Et c’est ainsi qu’on bascule de l’espace au temps : le trajet parcouru par la lumière des astres les plus lointains nous les décalent d’autant dans l’histoire. Ainsi la lumière émise par l’étoile Rigel, une supergéante bleue 40 000 fois plus lumineuse que le Soleil, est partie il y a… environ 860 ans. Et quand ses photons atteignent nos yeux, nous savons qu’ils ont quitté l’environnement de l’étoile au moment où, à Paris, débute la construction de la cathédrale Notre-Dame.
Voyage dans l’espace, voyage dans le temps. L’observation du ciel, à l’occasion de ces Nuits des étoiles d’hiver, nous invitent à imaginer ces voyages infinis qu’autorise aujourd’hui la science et la fiction. Ainsi, nous savons que le système d’étoiles triple le plus proche de nous, Proxima du Centaure, comporte au moins trois planètes dont l’une est un monde rocheux un peu plus grand que notre Terre. Y a t-il une atmosphère ; de l’eau ? La vie y est-elle propice ? Nous n’en savons rien, mais les dernières données suggèrent que l’exoplanète se situe dans la zone habitable de son étoile, une région où il ne fait ni trop chaud, ni trop froid. « Habitable » ne veut pas dire habité. Même si c’est dans ce système stellaire que le cinéaste David Cameron imagine en 2009, dans son film Avatar, que des « Na’vis bleus » vivent dans la jungle luxuriante de Pandora, une exolune orbitant autour de Polyphème, une exoplanète géante gazeuse orbitant autour de… Alpha du Centaure A, l’étoile la plus brillante du système.
Et si des ingénieurs nous fournissaient un vaisseau pour aller voir ? A 4,2 années-lumière d’ici, soit près de 40 000 milliards de kilomètres, il nous relever le défi de parcourir 270 000 fois la distance qui sépare la Terre du Soleil. Avec nos moyens actuels de propulsion, comme ceux de la sonde New Horizon naviguant à la vitesse de 17 km/s, il faudrait 78 000 ans pour rejoindre Proxima b ! Un projet baptisé Breakthrough Starshot, lancée en 2016, imagine envoyer des milliers de petites vaisseaux équipés de voiles solaires, alliés à la puissance de lasers, pour atteindre 20 % de la vitesse de la lumière (300 000 km/s dans le vide) et rejoindre Proxima en moins d’un demi-siècle.
Science et fiction ; astronomie et imagination. Du Songe de Kepler au Voyage autour de la Lune de Georges Méliès, le cinéma et la fiction ne sont peut-être qu’une autre façon d’explorer la réalité scientifique du monde. En conjuguant les deux à l’occasion des Nuits des étoiles d’hiver et des Mycéliades, l’événement nous donne l’occasion de réunir les deux univers. Celui du voir, de l’observation, avec les guides passionnés par la voûte céleste ; celui du savoir, de l’imagination, du ludique et du fantastique, avec les créateurs inspirés par la pluralité et la diversité des mondes.
Pour accompagner cette nouvelle édition des Nuits des étoiles d’hiver, l’AFA et Ciel et Espace vous invitent à retrouver la « carte du ciel » des nuits dans son numéro présent dans tous les kiosques dès le 12 janvier 2024. Ainsi qu’un numéro double supplémentaire intitulé « Demain, l’espace » consacré à l’exploration humaine autour et sur la Lune, telle qu’elle est imaginée en Europe et aux Etats-Unis, avec le programme Artemis.
Protéger le ciel nocturne
Enfin, les Nuits des étoiles sont toujours l’occasion de se pencher sur la question de la protection du ciel nocturne. Outre les éclairages artificiels extérieurs toujours omniprésents près des grandes agglomérations, une nouvelle forme de pollution lumineuse est en train de prendre de l’ampleur dans notre ciel de nuit : celle produite par les satellites artificiels Starlink lancés massivement depuis 2019. En 2023, plus de 3900 satellites ont été placés sur orbite basse autour de notre planète, striant le ciel de trainées lumineuses intempestives et réduisant la qualité des observations astronomiques. L’AFA, au travers des Nuits des étoiles, vise à sensibiliser le grand public au sujet de la dégradation de la qualité du ciel nocturne.